La réunion du 15 janvier à la Salle du Peuple de Virieu sur Bourbre a été un moment important de l’histoire de notre association
Vous trouverez ci-dessous le compte-rendu repris in extenso
MIGRANTS – Synthèse des échanges du 15 janvier 2016 – Salle du Peuple de Virieu
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Rencontre d’information organisée à l’initiative de la municipalité –
En septembre 2015, l’association Mouv’Relais a sollicité le maire sur l’éventualité de l’accueil d’une famille de migrants, et un débat a eu lieu lors du conseil municipal suivant. Le conseil a demandé à avoir plus d’informations et à mieux connaitre ce que seraient ses engagements. Pour cela il a demandé à Claire Tripier, juriste travaillant dans un centre d’hébergement de demandeurs d’asile dans le Rhône, et au Collectif pour l’accueil des réfugiés de la Tour du Pin (représenté par Marcelle Sardhaoui & Jean-Pierre Desbrosses) de bien vouloir intervenir ce soir.
Plus de quarante personnes au total dans la salle, un tour de table permet à chacun de se présenter.
De simples citoyens, des élus et des membres des CCAS des communes limitrophes, des membres ou sympathisants du collectif de La Tour du Pin.
Claire Tripier
La notion d’asile n’est ni une construction intellectuelle récente ni l’expression d’une charité : la pratique d’accorder l’asile aux personnes étrangères fuyant la persécution est une des plus anciennes marques de civilisation. On en trouve référence dans des textes de l’Antiquité : les populations ont toujours cherché la sécurité pour leur famille.
La France est un pays de droit, lié notamment par plusieurs conventions traduisant son attachement à un certain nombre de valeurs fondamentales. Parmi celles-ci, la Convention européenne des droits de l’homme (1950) qui, entre autres droits fondamentaux, proscrit de façon absolue la torture. Le préambule de la Constitution française de 1958 renvoie à la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et au préambule de la Constitution française de 1946 (« Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République. »). Texte fondamental du droit moderne des réfugiés, la Convention de Genève (1951) créé le statut de réfugié. Les demandeurs d’asile et les réfugiés sont donc des personnes qui se trouvent légalement sur le territoire : ils ne sont ni clandestins ni sans papier. Leur accueil se fait dans un cadre juridique défini.
Aujourd’hui environ 80% des réfugiés se trouvent dans des pays en développement (Iran, Pakistan, Afrique du Sud…), pour environ 10% en Europe et 10% en Amérique du Nord.
Le Collectif de La Tour du Pin
Créé à l’été 2015 («on ne peut pas ne rien faire »), le Collectif regroupe environ 60 personnes, simples citoyens ou adhérents de 15 associations (dont Secours Populaire / Mouv’Relais /Banque alimentaire / Association de Musulmans / …) Il ne s’agit pas de remplacer les associations, mais de coordonner les actions, pour être prêt à agir le moment venu ; un « bureau » de 6 membres s’est constitué.
. L’objectif est d’accueillir des réfugiés reconnus par l’OFPRA. À ce jour, la préfecture n’a pas répondu au courrier du collectif.
. Le premier travail a été d’identifier les logements disponibles et les contacts utiles. Les bailleurs sociaux sont positifs et encourageants. L’association lyonnaise « Habitat et Humanisme » propose son aide comme médiateur locatif.
. Virieu est la première commune à prendre contact avec le collectif, qui espère refaire ce genre de réunion ailleurs.
Michel Morel (maire de Virieu) explique le cadre exposé par le Préfet : le coordinateur départemental est chargé de faire coïncider l’offre (d’accueil) et la demande. Les communes et l’Etat sont parties prenantes.
La municipalité de Virieu soutient la concrétisation des projets des associations et des collectifs.
Claire Tripier intervient à l’occasion, en réponse aux questions :
. Seul existe le statut de réfugié politique ; l’expression «réfugié économique» n’a pas d’existence juridique.
. Les migrants qu’on peut voir à la télévision, venant de Syrie ou d’Afrique, se trouvent actuellement en Italie, en Grèce, dans les Balkans… Certains d’entre eux, après avoir été identifiés comme ressortissants de quelques pays spécifiques (Syrie, Erythrée) arriveront sans doute dans les mois qui viennent en France, mais au compte-gouttes, selon un processus appelé ‘relocalisation’. Ils auront sans doute rapidement la reconnaissance de leur statut de réfugié.
Il y a aussi beaucoup de demandeurs d’asile qui continuent d’arriver tous les jours directement en France par leurs propres moyens. La préfecture doit leur remettre une attestation de demande d’asile, valant autorisation provisoire de séjour. Selon les départements et les situations il faut plus ou moins de temps avant de pouvoir déposer cette demande (queues en préfecture etc…). Pendant cette période, l’accès effectif à des droits fondamentaux est souvent difficile et l’aide des associations est essentielle (soins si urgence, accès à l’alimentation et à un hébergement, scolarisation des enfants).
Une fois le récépissé de la demande obtenu, ils sont officiellement demandeurs d’asile, mais doivent se présenter régulièrement en préfecture pour renouvellement –tous les 3 ou 6 mois-. Ce statut leur ouvre des droits supplémentaires particuliers, essentiellement le non refoulement (droit de rester sur le territoire pendant le délai de l’instruction de la demande d’asile, recours auprès de la Cour Nationale du Droit d’Asile -CNDA- compris), la perception d’une allocation journalière de subsistance (6,80€/jour pour une personne seule, montant dégressif selon la composition familiale, par exemple : 17€/j pour une famille de 4p.) et la couverture maladie. Mais les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de travailler. Les délais d’enregistrement et d’instruction du dossier sont très variables. Ll durée de la procédure de demande d’asile est donc différente d’une personne à une autre (minimum 3-6 mois).
. Si la demande d’asile est jugée fondée, la personne se voit reconnaître soit le statut de réfugié (Convention de Genève), qui donne droit à une carte de résident de 10 ans, soit la protection subsidiaire (protection contre la peine de mort, la torture, les traitements inhumains et dégradants ou les conflits armés), qui se traduit par un titre de séjour d’un an renouvelable. La reconnaissance de ces protections permet le droit au travail.
. Les migrants ‘campant’ à Calais veulent pour la plupart aller en Angleterre pour des questions de langue, de liens personnels, peut-être de réputation de santé économique du pays ; ils craignent par ailleurs qu’en déposant une demande d’asile en France, on ne leur applique le Règlement dit de Dublin, qui prévoit qu’un demandeur d’asile doit faire étudier sa demande d’asile dans le pays européen où il est entré en premier, ou par lequel il avait obtenu un visa. Toute personne souhaitant déposer une demande d’asile en Europe doit se soumettre à la prise de ses empreintes digitales.
. Les premiers réfugiés que nous pourrons accueillir ne seront pas forcément des Syriens mais peut-être des Erythréens, ou bien des réfugiés de toute autre nationalité ; leur sortie de centre d’hébergement vers un logement permettra l’accueil des demandeurs ‘relocalisés’ dans ces mêmes centres d’hébergement,.
. La plupart des réfugiés ont subi de graves traumatismes. Chacun a son histoire, toujours douloureuse, et sa vision de l’avenir. Accueillir signifie respecter l’indépendance, le libre arbitre de ces personnes. Par exemple, tous ne souhaitent pas le regroupement par nationalité : certains fuient même leurs compatriotes.
. Beaucoup de demandeurs d’asile sont diplômés et étaient de situation sociale aisée dans leur pays.
. Viendront-ils ici, à la campagne ? Pourquoi pas : comme chez nous, certains n’aiment pas la ville.
. Un permis de conduire étranger donne le droit (dans la plupart des cas) de conduire en France pendant un an. Une fois le statut de réfugié ou la protection subsidiaire obtenus, ce permis de conduire étranger peut être échangé contre un permis français, sous conditions.
. La politique actuelle de l’État.
L’Etat souhaite relocaliser 30000 personnes en deux ans : la priorité est de diriger vers les offres d’accueil tous ceux dont la demande d’asile a été jugée fondée, mais qui se trouvent encore en centre d’hébergement faute de solution de logement autonome, afin de faire de la place pour les nouveaux arrivants. Il y a volonté affirmée à raccourcir les délais de dépôt et d’instruction des demandes des personnes ‘relocalisées’.
. Souci de cohérence : répartir entre les régions. Repérer et aiguiller vers les zones « détendues » (places disponibles dans les logements sociaux), et là où la situation est favorable en termes d’emplois, d’écoles, etc.. Le Nord-Isère est considéré comme zone détendue.
. Oui, il faut préparer l’accueil dès aujourd’hui (« le diagnostic communal »)
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École – rencontrer les directeurs, le Rectorat, prévoir les classes (ne pas fermer une petite classe si…),
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Identifier les éventuels bénévoles, leurs disponibilités et compétences (interprètes ?)
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CCAS : quel soutien pourra-t-il apporter si besoin,
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Services publics : Parler avec La Banque Postale, la CPAM locale (ouverture des droits), les assistantes sociales, etc… ;
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Rencontrer les médecins susceptibles de recevoir ces personnes,
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Multiplier les contacts avec les professionnels pour repérer les opportunités d’emploi (parrainages) ?