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Futurs parlementaires, il y a urgence à changer de politique à l’égard des personnes réfugiées et migrantes

par Henry Masson(Président de La Cimade)
et Fanélie Carrey-Conte(Secrétaire générale de La Cimade)        (Le Monde 16062022)

Alors que les politiques depuis cinq ans ont conduit au renforcement de la militarisation des frontières et au durcissement des conditions de vie des personnes migrantes, les responsables de la Cimade, Henry Masson et Fanélie Carrey-Conte, appellent les futurs députés, dans une tribune au « Monde », à revenir aux principes et droits fondamentaux.

Que souhaiter de la nouvelle Assemblée nationale qui sera élue à l’occasion du scrutin des 12 et 19 juin ? Un véritable et profond changement des dogmes qui commandent la politique migratoire de notre pays. Ceux retenus aujourd’hui, ici comme en Europe, sont inadaptés à l’état actuel du monde. Ils conduisent pour les personnes réfugiées et migrantes à plus d’injustice, plus de danger et encore moins de dignité.

« Maîtriser les flux », « renforcer les contrôles et la surveillance » pour mieux « protéger nos frontières », « empêcher les départs », « contrôler, enfermer et atteindre de bons objectifs en matière d’expulsion »… Tels sont en effet les mantras développés ces dernières années, en décalage avec la réalité du monde et les raisons profondes des migrations.

Car rien n’empêchera des personnes au désespoir de quitter leur pays, même au péril de leur vie. Le renforcement de la militarisation des frontières n’a d’autre conséquence que l’augmentation de la dangerosité des parcours : quand allons-nous cesser de tolérer que des milliers de personnes meurent chaque année sur les routes de l’exil vers l’Europe ? Qu’aujourd’hui les frontières tuent, même en France ?

 

Une dégradation de la situation

A cela se sont ajoutées, ces cinq dernières années, des décisions durcissant les conditions de vie des personnes migrantes en France : harcèlement et expulsions incessantes – à Calais ou ailleurs, augmentation à quatre-vingt-dix jours de la durée maximale de rétention administrative des étrangers, familles et enfants toujours enfermés en centres de rétention, accès rendu de plus en plus difficile aux préfectures, délai de carence pour bénéficier de l’aide médicale d’Etat…

Le fameux poncif affirmant concilier « humanité et fermeté » est en réalité une remise en cause du respect inconditionnel de la dignité et des droits fondamentaux des personnes : en la matière, il n’y a pas de « en même temps » qui tienne, mais bien des principes et des droits à défendre et à faire respecter.

Il y a donc urgence à changer de regard, à changer de politiques. Le puissant élan de solidarité lancé en direction des personnes fuyant la guerre en Ukraine a montré qu’il était possible d’agir avec volontarisme pour accueillir des réfugiés. Pourquoi ne pas en faire un levier pour construire en France une véritable société de l’égalité et de l’hospitalité, sans distinction d’origine, de couleur de peau, de religion… ?

 

Pour une société de l’accueil inconditionnel

Cela doit passer notamment par la mise en œuvre des mesures suivantes, que nous incitons les futurs parlementaires à défendre, au Parlement comme dans le débat public national et européen :

  • la régularisation large et durable des personnes sans-papiers ;
  • un accueil digne et solidaire à nos frontières ;
  • un droit d’asile européen véritablement protecteur ;
  • un accès effectif de toutes et tous aux procédures administratives en préfecture, une alternative systématique à la dématérialisation ;
  • une protection de tous les enfants étrangers ;
  • une fermeture des lieux d’enfermement spécifiques aux personnes étrangères.

Une société de l’accueil inconditionnel, où l’on fait primer l’humanité sur le statut administratif, comme le dit notre mot d’ordre « humain avant tout », c’est une chance pour un monde plus juste pour toutes et tous. C’est possible, c’est indispensable. Mobilisons-nous pour la faire advenir.

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