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L’inconcevable retour des réfugiés syriens dans leur pays

La Croix, Jeudi 23 juin 2022 :

Une enquête menée par le Haut-Commissariat aux réfugiés montre que 93 % des Syriens exilés depuis la guerre dans les pays alentour ne prévoient pas de rentrer en Syrie dans l’année à venir.

Si quelques milliers d’Ukrainiens reprennent peu à peu le chemin de leur pays, quatre mois après l’invasion russe, les réfugiés syriens osent encore à peine envisager leur retour, onze ans après le début de la crise en Syrie. 92,8 % d’entre eux n’ont pas l’intention d’y rentrer dans les douze mois à venir, révèle une enquête récente du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). Cette étude, la septième depuis 2017, montre que seulement 1,7 % des 2 800 réfugiés interrogés l’envisage et seul un tiers espèrent retourner en Syrie dans les cinq années à venir. Les inquiétudes sécuritaires et l’absence de moyens de subsistance sont les premiers freins au retour cités par ces Syriens, qui sont 6,7 millions à s’être exilés.

Le régime de Bachar Al Assad répète que les portes sont grandes ouvertes et que le pays est sûr, mais plusieurs ONG alertent régulièrement sur le fait que les autorités arrêtent, torturent ou font disparaître les réfugiés, rentrés volontairement ou non. Sur le plan économique, le pays sous sanctions est exsangue, la reconstruction tarde, et 90 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Une détresse humanitaire telle que 12,4 millions de Syriens ne mangent pas à leur faim. Dans le Nord-Est, qui échappe au contrôle de Damas, la situation sécuritaire et humanitaire compromet aussi toute velléité de retour.

Dans de telles conditions, de plus en plus de réfugiés syriens interrogés (77 % contre 69 % auparavant) affirment vouloir rester dans leur pays d’accueil, malgré une animosité qui va crescendo à leur égard. Le Liban, qui a reçu le plus grand nombre de réfugiés par habitant au monde, menace d’expulser le 1,5 million de Syriens qu’il héberge si la communauté internationale ne l’aide pas à les rapatrier. En Turquie, où l’inflation atteint 70 %, Recep Tayyip Erdogan a annoncé début mai qu’il préparait, sur la base du volontariat, « le retour de 1 million » de Syriens chez eux, sur les 3,7 millions accueillis. La question est éminemment politique avant la présidentielle de juin 2023. Ankara lorgne le Nord-Ouest syrien, où l’armée déploie ses troupes et menace d’intervenir contre les Kurdes pour y installer ces réfugiés syriens.

Le HCR, qui estime que le niveau d’instabilité en Syrie ne permet pas un retour massif, exhorte la communauté internationale à maintenir son soutien aux pays d’accueil. Mais la générosité des donateurs s’émousse : la sixième conférence des donateurs organisée en mai a permis de mobiliser 6,7 milliards de dollars pour 2022-2023, loin des 10,5 milliards escomptés.

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